S’il est des accordéonistes qui font l’unanimité, alors Jo Privat est sans aucun doute l’un d’eux. Au départ plutôt issu de l’accordéon musette, il aura apporté énormément au jazz et au swing. Il fut en effet l’un des premiers à jouer ces styles de musique à l’accordéon. De ses débuts dans les guinguettes parisiennes à ses collaborations jazz manouche avec Django Reinhardt, revenons sur l’histoire d’un accordéoniste extraordinaire !
Enfance et débuts
Jo Privat, de son vrai prénom Georges, naît le 15 avril 1919 dans le quartier de Ménilmontant à Paris (au 46 rue des Panoyaux), d’un père auvergnat et d’une mère italienne. Son grand père joue de l’accordéon, mais c’est sa tante Yvonne qui le pousse à commencer la musique. Tenancière d’une maison close vers Bastille, elle lui offre son premier instrument à Noël 1927 : un accordéon diatonique (qu’on retrouve aujourd’hui plutôt dans les musiques traditionnelles). Ce n’est que vers l’âge de dix ans que son père, sentant un intérêt particulier pour la musique, lui achètera un accordéon chromatique.
Il prend des cours d’accordéon avec Paul Saive, l’un des professeurs en vogue du moment, celui là même qui formera notamment un certain Marcel Azzola. Jo Privat apprend alors le solfège, lui qui jusqu’ici ne jouait qu’à « l’oreille ».
Premières rencontres
Il anime ses premiers bals dès l’âge de 13 ans, même s’il ne connaît que peu de morceaux à l’époque. Il se frotte aussi au public des brasseries parisiennes, réputé pour être plus exigeant. En effet, c’est un public de mélomanes qui viennent écouter la musique plutôt que la danser.
C’est sa tante Yvonne, toujours, qui lui présente l’accordéoniste phare de l’époque : Emile Vacher, parfois présenter comme le créateur du genre musette. À ses côtés, il jouera dans presque tous les bals musette de Paris, et comme il le dit lui-même « devient pote avec les truands, les macs, la pègre ». C’est dans ces lieux également qu’il rencontrera des musiciens issus du jazz manouche, qui vont changer sa carrière : les frères Ferret (Matelo, Baro, Sarane), et surtout Django Reinhardt.
« Jusqu’à ce moment là, on jouait du banjo dans les bals musette. Quand j’ai entendu le son de la guitare, ça m’a plu tout de suite, j’ai été envoûté »
Jo Privat fréquente les manouches lorsqu’il joue au Petit Jardin, où il remplace un autre accordéoniste, Charley Bazin. Il élargit sa palette musicale, s’inspirant notamment d’autres accordéonistes comme Gus Viseur ou Tony Murena. Il les désigne comme « ceux qui jouent sans vibration », faisant référence à ce son musette tant reconnaissable (issu des vibrations entre les différentes voies de l’instrument).
L’époque du Balajo
C’est en 1936 que Jo Privat monte son premier orchestre, et remporte avec lui le championnats de France des orchestres musette. Avant, il se contentait de faire des remplacements, n’ayant pas de formation musicale qui lui était propre.
C’est avec cet orchestre également qu’il entre au Balajo, rue de Lappe près de Bastille, à la fin de l’année 1936. C’est dans ce temple de la guinche qu’il va faire la majorité de sa carrière, et gagner la notoriété qu’on lui connaît aujourd’hui.
Après une interruption à cause de la guerre, Jo Privat revient au Balajo en 1945 et y jouera jusqu’en 1986. C’est à ce moment, après la Libération, que sa carrière débutera réellement. Il trouve alors son style de jeu si reconnaissable, s’entourant notamment des meilleurs guitaristes du jazz manouche. C’est là également qu’il compose ses plus belles valses, restées dans l’histoire de l’accordéon : Mystérieuse, Sa préférée, Java Manouche… On retiendra en particulier son album Manouche Partie, emblématique de son oeuvre musicale.
Ses dernières notes
Jo Privat continuera de jouer de l’accordéon et de se produire sur scène jusqu’à la fin de sa vie. On le retrouve notamment en 1993 aux côtés de Richard Galliano, pour fêter ses soixante ans de vie musicale. Il décède finalement d’un cancer le 3 avril 1996.
Pour aller plus loin
Je vous encourage fortement à visionner le documentaire « Jo Privat – Le blues du musette », disponible ci-dessous :
Sources
Article de Libération sur la mort de Jo Privat – Avril 1996
Jo Privat, Le blues du musette
Article de l’Humanité
Jo Privat… par Jo Privat!